L'Ecole de Cinema de Genève et Lausanne

shutterstock_169841813_0Qu’est ce qui fait l’identité d’un personnage ? Difficile d’y répondre sans rentrer en détail dans l’exploration de l’identité. Quand on parle d’identité, d’une manière générale, on pense aux différents éléments qui constituent la personnalité, tant d’après les caractères qui l’individualisent que dans les traits qui nous permettent de la reconnaitre. Le caractère, le  physique et la personnalité sont autant d’attributs qu’un acteur devra connaitre à propos de son personnage et dont il devra s’imprégner pour l’interpréter. En surface, ces traits semblent monodirectionnels, pourtant chacun se présente différemment en fonction de la personne, l’acteur, qui les interprète. Ainsi, le caractère d’un individu existe sur différentes couches, son interprétation diffère entre la perception qu’en a autrui, celle que l’individu expose aux autres, et celle propre à son ego.  Il est essentiel que l’acteur étudie consciencieusement ces différentes couches qui composent l’identité du personnage pour qu’il puisse interpréter chacune des émotions ressenties par le personnage correctement, dépendamment de la situation et des différentes personnes, lui compris, avec qui il interagit. Une fois l’identité du personnage cernée par l’acteur, il peut se concentrer sur les différents moyens à sa portée pour se glisser dans la peau de son personnage.

Le réalisateur aura aussi toute une palette de techniques pour aider ses comédiens à s’imprégner du rôle. Outre les fiches personnage qui leurs permettent de connaitre les moindres attributs physique, psychologique et émotionnel d’un caractère, les acteurs ont la possibilité de travailler avec leurs propres expériences et leur imagination. Certains choix leurs sont possibles quant aux traits de caractère qu’ils décident de donner à leur personnage, tant qu’ils restent en concordance avec ce dernier. Il peut s’agir d’un accent, d’une mimique, d’un trait de personnalité comme d’une manière de se déplacer propre au personnage, ce qui en plus de lui rajouter une dimension, permet au comédien de s’y identifier et d’interpréter le personnage d’une manière plus personnelle. Par exemple, les mimiques de Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes, ainsi que sa diction, proviennent de la créativité de Johnny Depp.

Certains acteurs voudront aussi faire des recherches et s’immiscer dans l’univers, le quotidien, du personnage. En suivant au plus près les équipes de journalistes de faits divers, Jake Gyllenhaal pour Night crawler, a pu vivre et faire l’expérience directe de la vie de son personnage. Pour Saving private Ryan, tous les acteurs principaux durent subir des semaines de préparation intense, afin qu’ils puissent se familiariser avec les conditions de vie des Marines. Seul Matt Damon ne fut pas convoqué, créant ainsi une camaraderie entre les acteurs et un sentiment d’exclusion chez Matt Damon, ce qui s’est traduit dans leur performance. Robert De Niro, pour Raging Bull suivra, quant à lui, des entrainements de boxe et ira même jusqu’à gagner deux matchs en compétition officielle. On comprend bien l’importance que peuvent avoir ces immersions et la force qu’elles peuvent apporter à un a acteur pour son interprétation.

Dans le cas d’une adaptation, l’acteur a dans son arsenal l’interprétation déjà existante d’un autre acteur, lui permettant de s’en inspirer, de l’étudier ou même de rencontrer ce dernier afin de pouvoir le questionner sur ses choix et son travail.

Malgré toutes ces techniques, l’élément fondamental pour l’incarnation d’un personnage est le personnage lui-même. Le scénario fourni est porteur d’éléments essentiels de description et de caractérisation du personnage. En plus de son travail d’introspection, l’acteur se doit évidemment de travailler en collaboration avec le scénariste/réalisateur dans la compréhension de son personnage. Une fois ce travail fourni en amont, il pourra alors se lancer dans sa recherche personnelle et fournir un travail d’introspection pour ajouter une dimension propre à lui-même, si cela est possible (certains rôles très définis ne laissent pas ou que très peu de manœuvre créative à l’acteur, comme dans les rôles basés sur des personnes réelles).
Une fois le tournage terminé, l’acteur doit se préparer au revers de la médaille, un rôle trop caractérisé et qui résonne avec le public peut se transformer en cauchemar; l’acteur devient à jamais associé à la peau de son personnage, le public n’arrive plus à dissocier les deux et l’acteur devra s’efforcer de changer la perception des autres, film après film.

Loïc Oberholzer

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